Le Camp des Amandiers et le Camp de Albatera

Après la chute de Barcelone le 26 janvier 1939 et la réduction de la Catalogne qui suit – le 10 février, les nationalistes l’occupaient en totalité – il devient évident que la guerre est perdue pour les républicains. Ils ne contrôlent plus que le sud-est de la péninsule. Madrid tombée, le 28 mars 1939, les républicains rendent les armes le 29. Les troupes franquistes poursuivent leur avancée vers les principaux ports du Levant espagnol où des milliers de personnes essaient désespérément d’être accueillies dans les rares bateaux qui réussissent à prendre la mer en trompant les sous-marins italiens au service de Franco.

Dans le port d’Alicante, 15 000 personnes, combattants, personnalités politiques, responsables syndicaux, simples militants, femmes et enfants sont rassemblées dans l’attente d’hypothétiques bateaux. Seul le Stambrook, un navire britannique, vient à leur secours et réussit à conduire 3 500 réfugiés à Oran. Le 30 mars les troupes italiennes de la Division Littorio encerclent les réfugiés. Certains se suicident sur les quais, mais la plupart, prisonniers des troupes nationalistes, sont conduits dans des camps. D’abord au «Campo de los Almendros», le Camp des Amandiers. Dans ce camp improvisé de 250 m sur 80, situé à 3 km du centre d’Alicante, sont entassés 18 500 à 19 000 personnes sans aucune commodité excepté un point d’eau. Ce camp ne dure que quelques jours. Les prisonniers y sont triés et ventilés vers d’autres camps. La plus grande partie est transférée au Camp d’Albatera.

Situé à 450 m de la gare ferroviaire qui désert aujourd’hui San Isidro, village de colonisation récente créé ex-nihilo dans les années 1950 et détaché d’Albatera comme municipalité nouvelle en 1993, le camp est ouvert comme camp de travail par les républicains pour leurs opposants pendant la Guerre Civile. Conçu pour quelques 2 000 personnes, il est pourvu de baraquements dans lesquels les nationalistes vont loger les gardiens. Mettant à profit l’enceinte de barbelés, ils y entassent entre 20 000 et 30 000 personnes d’après les témoignages.

Les survivants n’oublieront pas ni le menu, pain et sardines, rarement distribué et, quand le nombre de prisonniers aura été réduit, un bouillon de lentilles, ni le lamentable état des toilettes. Celles des baraquements, leur sont interdites car réservées aux gardiens. Les prisonniers sont contraints de faire leurs besoins un peu partout. Devant la situation sanitaire intenable, les autorités du camp font creuser des fosses guère plus satisfaisantes.

Des assassinats ont lieu quotidiennement. Comme dans d’autres camps, des groupes de phalangistes ou de notables viennent de tout le pays. Ils passent en revue les prisonniers, à la recherche d’ennemis politiques fusillés sur le champ. Pour empêcher les évasions, nombreuses les premiers jours, chaque prisonnier est affublé d’un numéro : en cas de fuite, les numéros antérieur et suivant sont abattus.

Le camp se vide de différentes façons : exécutions, évasions, transferts pour maladie et surtout pour d’autres camps ou prisons, prisonniers quittant le camp à condition de se présenter régulièrement devant le maire de leur commune.

Rodrigo Javier, 2005, Cautivos: campos de concentración en la España franquista, 1936-1947, Barcelone : Crítica

3 réflexions sur “Le Camp des Amandiers et le Camp de Albatera

Laisser un commentaire